Vendredi 12 Novembre 2010, J-3
(A lire avant la suite : ceci ne parle pas du voyage mais uniquement de mes sentiments à J-3 – Les proches me comprendrons, les autres s'en foutront : personne ne vous met le couteau sous la gorge ! :) )
Aujourd'hui j'ai pété un cable. Bin ouais, faut croire que finalement l'angoisse a fini par monter. J'ai passé ma dernière journée au marché fermier à bosser avec Guy, puis comme d'habitude on est passé à table tous ensemble. On en est venu à parler de la relation entre parent et enfant dans le genre de cas qui est le mien, et je disais que ça commençait à me peser que mes parents me donnent sans arrêt le sentiment de les abandonner, de les trahir parce que j'ose partir à l'autre bout du monde malgré leur inquiétude... « On est content pour toi mais ça ne nous fait pas plaisir » me dit toujours mon père, entretenant ce discours que je n'avais pas besoin de partir aussi loin pour apprendre l'anglais. J'avais l'Angleterre à 2h de route, j'avais San-Francisco à 8h de vol mais où habitent un ami d'enfance à lui et un très bon pote à moi, pourquoi a-t-il fallu que je choisisse le seul endroit au monde le plus éloigné de la France. 24H de vol. Ils se sentent démunis parce que s'il m'arrive quelque chose, ils ne pourront pas être là. Et j'ai l'impression que je devrais me sentir coupable de leur faire un truc pareil, c'est comme une trahison, comme si je cherchais à mettre la plus grande distance possible entre nous ! Enfin d'après eux du moins... Jamais il n'a encouragé ma démarche. Parce que ça ne lui fait pas plaisir il ne m'a jamais dit « c'est bien ce que tu fais ma fille, tu vas découvrir plein de choses, apprendre plein de choses, tu vas accomplir ton rêve et t'enrichir d'une nouvelle langue, une nouvelle culture, tu vas te dépasser et réussir à te démerder toute seule comme une grande dans un pays ou on ne parle pas ta langue, de l'autre coté de la terre, je suis fière de toi ma fille, fière que tu ais le courage d'aller au bout de tes choix, et fière de savoir que tu vas mettre les pieds là où moi je n'ai jamais eu l'occasion d'aller et où je n'irai probablement jamais. » C'est ça que j'aurais eu besoin d'entendre pendant ces 3 ou 4 mois de préparation, pas « on est content pour toi, mais ça ne nous fait pas plaisir. Point. »
Quant à ma mère, c'est bien simple, depuis 10 jours, à chaque fois que je la croise dans une pièce, elle me fait cette tête :-( , non mais littéralement ! Enfin... son visage forme vraiment cette grimasse ! Les yeux tristes et les coins de la bouche forcés vers le bas ! Cette grimasse pseudo-faussement-ironique à chaque fois qu'elle me croise qui dit « dire que dans X jours tu vas partir loin de moi, tu vas me quitter, m'abandonner, je vais me retrouver seule et j'ai déjà toutes les larmes de mon corps qui coulent à l'intérieur et qui vont couler pendant 1 an. » Je lui ai dit pour me moquer un peu « non mais imagines l'imaaaage que tu vas me laisser de toi ! » Mais elle n'a pas semblé comprendre à quel point c'était vrai. Je crois qu'elle ne se rendait pas compte à quel point ça me pesait.
Ce vendredi midi, donc, ma mère servait un client pendant que nous discutions à table et Sophie, une collègue et amie de ma mère m'a dit que dans les périodes ou ça n'ira pas quand je serais là bas, il ne faudra surtout pas que je le dise à ma mère, il faudra que je fasse comme si tout allait bien pour le pas l'inquiéter, parce qu'elle est d'une nature tellement angoissée que si un jour j'ai le malheur de lui dire que c'est pas tout rose, elle va tellement se faire un sang d'ancre pour moi qu'à mon retour elle n'aura plus un cheveu brun sur la tête, ils auront tous blanchi ! Sophie m'a dit qu'il faut que je protège ma mère en ne lui racontant pas les mauvaises passes. Pour résumer, quand j'aurais des passages à vide en Australie -moi qui trouve habituellement mon réconfort en vidant mon sac à ma mère pour exorciser mon mal-être, pour glaner conseils et encouragements et repartir du bon pied- je ne devrais pas le faire ? Je devrais mentir à ma mère en lui disant que tout va bien et porter mon fardeau toute seule, résoudre mes problèmes sans ses conseils précieux et m'auto-remonter le moral en ingurgitant de la crème glacé ? Alors que je serais loin de mes amis, loin de ma famille, seule à 16 500 bornes, et je ne pourrais même pas parler à ma mère de mes petits soucis du quotidien juste parce que je dois épargner ses excès d'angoisse ? Non mais je rêve ???
Après avoir réussi à retenir mes larmes quelques minutes, ça a été al goutte d'eau, j'ai quitté la table et je suis partie pleurer plus loin. Guy et Aude m'ont demandé ce qui se passait, et je leur ai expliqué à quel point je ne supportais plus de devoir me sentir coupable de partir réaliser mon rêve. J'ai quitté mon appart, j'ai vendu ma voiture, j'ai vendu mes meubles, tout ce qu'il me reste aujourd'hui c'est ma machine à laver, mon canapé, ma table basse et ma valise ! Je pars pour 1 an à 16 500 km avec 3000 € en poche, sans savoir ou je vais loger ni si je vais trouver du travail pour vivre, et c'est les angoisses de mes parents qui sont les plus difficiles à gérer ??? Et les miennes dans tout ça ?? Personne ne se rend compte que j'ai tout plaqué pour partir vivre cette aventure ? Personne ne se rend compte que c'est moi qui ai tout à perdre dans l'histoire ? Que c'est moi qui quitte tous mes amis, ma famille, que c'est moi qui passe mon temps à faire des au-revoir larmoyants tous les jours depuis des semaines ? Personne ne se demande si c'est pas difficile pour moi d'avoir fait tous ces choix ? Partir c'est une chose chose, mais les sacrifice et les déchirements qui vont de pair sont toujours beaucoup plus difficiles à vivre que prévu. J'avais l'envie vicérale de partir à l'aventure, mais je n'ai jamais eu le désir de quitter tous ceux qui me sont cher. Alors si en plus de mes angoisses et peines personnelles je dois porter sur mes épaules leur manque d'enthousiasme, leurs angoisses et la culpabilité que mes parents me me font ressentir, le surcroix de pression devient invivable. Et c'est ce qui s'est passé ce vendredi, à J-3. J'ai fini par me calmer, revenir à table, on a pas ré-abordé le sujet jusqu'à la fin du repas, et je suis partie, en disant une fois de plus au revoir à des gens qui me manqueront...
L'après midi je suis passé chez mon garagiste pour 2 roues préféré à qui j'ai encore pourrit l'atelier de conneries en tous genre : scotch sur les pinces, essui-tout coincé dans les clés à pipe, clés complètement désorganisées, boites retournées... Lui et son employé risquent de se souvenir de moi un certain temps ! Puis j'ai passé une soirée mémorable avec cet ami que j'ai encore eu énormément de mal à quitter, parce que c'est quand on doit se séparer des gens qui nous sont proches qu'on se rend compte quel point on tient à eux (t'vois...).
Samedi 13 Novembre 2010, J-2
Samedi matin de retour au garage avec les croissants, je lui demande de me mettre un petit mot dans mon fameux carnet de voyage, il s'exécute et je le lis quelques minute avant de le quitter... Ca m'a retourné le cerveau, j'ai fait la fontaine pendant 5 bonnes minutes avant de décider que « bon, ça va oui ? Allez j'me casse ça vaut mieux ». Il a fallu que je m'arrête dans un chemin entre son garage et chez mes parents parce que je ne voyais vraiment plus rien, besoin de vider mes canaux lacrimaux avant de rentrer au bercail. de retour à la maison où Maman était soudain devenue zen, enthousiaste et positive à propos de mon aventure. Des collègues du marché à qui j'ai raconté mon ressentit auraient-ils fait leur BA ? Y'a pas photo ! Et c'est vraiment appréciable de la voir faire cet effort...
Le soir on est allé voir les petits mouchoirs, le dernier film de Guillaume Cannet avec Marion Cautillard, Gilles Lelouche, François Cluzet, Jean Dujardin... J'ai adoré, vraiment. Et j'ai compris à la fin pourquoi le film s'appelait ainsi : ça reniflait et ça chialait de tous les côtés dans le ciné ! La fin est un peu longuette, c'est de la larme facile, mais ça n'enlève rien au coté authentique et touchant de l'histoire.
Après le film on est allé manger une glace au resto ou travaille mon frère, puis on est rentré et dodo. C'est fatiguant autant de larmes !
Dimanche 14 Novembre 2010, J-1
Je boucle ma valise, on imprime les dernier documents importants, la journée s'écoule sans vagues... Le soir on s'est fait un grand plateau de fruits de mers en famille tous les 6, Papa, Maman, Pauline, Guillaume, Malika et moi, on a bien rit, c'était un chouette repas pour une dernière soirée :) Avant d'aller passer la fin de la soirée chez mon frangin et sa chérie, je donne mon carnet à mon père pour qu'il me laisse lui aussi un petit mot. Il s'enferme dans le bureau, je reste à discuter dans le salon. Puis on s'apprête à partir, je veux aller dire bonne nuit à mon père, j'entre dans le bureau et là... C'est tellement douloureux de voir son père pleurer... Et comment voulez-vous réconforter ses sanglots quand c'est vous qui en êtes responsables ? On crois toujours que certaines personnes sont fortes comme un roc, et quand elle laissent
apparaître des failles, c'est d'autant plus surprenant, voir choquant. Dans un sens ça me fait du bien de voir qu'il tiens tant à mois parce qu'on ne se le dit pas souvent, mais dans un autre j'aurrais aimé qu'on sache se le dire autrement qu'au pied du mur comme ça... Je ne fais pas durer ce moment difficile, je m'échappe et vais me réfugier chez mon frère. Je n'arrive pas tellement à garder le fil d'une discution... Le regard fatigué d'avoir tant pleuré, à la fois triste, pressé et songeur... Dans quelques heures j'allais prendre l'avion pour l'Australie... Ne plus revoir ces visages adorés avant 1an... Ils vont tellement me manquer... Les au-revoirs ont encore été difficiles, j'adore ma belle soeur, et la voir se retenir de pleurer c'est pas réjouissant... C'est vraiment dur de devoir laisser tous ces gens... Je les quitte à minuit, Pas pu m'endormir avant 1h du mat minimum...
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